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Pakistan : Abroger l'amendement à la loi draconienne sur la cybercriminalité

La loi modifiée menace la liberté d’expression, notamment sur Internet

Des journalistes pakistanais manifestaient contre un amendement à la loi sur la cybercriminalité, comportant diverses dispositions portant atteinte à la liberté d’expression, à Islamabad, le 28 janvier 2025.  © 2025 Anjum Naveed/AP Photo

(New York) – Le récent amendement du gouvernement pakistanais à la loi sur la cybercriminalité représente une menace grave pour la liberté d’expression, notamment sur Internet, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le parlement pakistanais devrait immédiatement abroger ou réformer la loi pakistanaise de 2025 portant modification de la loi sur la cybercriminalité (Prevention of Electronic Crimes (Amendment) Act, 2025).

La nouvelle loi, promulguée le 29 janvier, comprend des dispositions faisant de la diffusion d’informations « fausses ou mensongères » (« fake or false news ») une infraction pénale passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans. L’amendement ne définit toutefois pas précisément ce que sont des informations « fausses ou mensongères », utilisant plutôt des termes vagues et généraux pour les décrire de manière subjective comme des informations susceptibles de provoquer « la peur, la panique, le désordre ou l’agitation ». En excluant les groupes de la société civile et le secteur privé de la phase de consultation sur le projet de loi, le gouvernement a empêché une véritable discussion publique au sujet du texte, dont la formulation vague et vaste portée engendrent des risques de violations des droits fondamentaux.

« La loi pakistanaise modifiée sur la prévention de la cybercriminalité ne protège pas le public contre les menaces légitimes à la sécurité en ligne, et ne respecte pas les droits humains fondamentaux », a déclaré Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait défendre le droit à la liberté d’expression, et réviser la nouvelle loi en supprimant ses dispositions abusives. »

Les amendements à la loi sur les crimes électroniques prévoient la création de quatre nouveaux organismes gouvernementaux chargés de réguler les contenus en ligne, et élargissent la définition des préjudices en ligne (« online harm »). Ces organismes sont autorisés à bloquer et à supprimer des contenus sur la base de critères ambigus, qui ne répondent pas aux normes de proportionnalité et de nécessité requises par le droit international des droits humains.

L’un de ces organismes, le Tribunal de protection des médias sociaux (« Social Media Protection Tribunal »), est composé de membres nommés par le gouvernement, plutôt que de membres indépendants du pouvoir judiciaire.

Un autre nouvel organisme, l’Autorité de protection et de régulation des médias sociaux (« Social Media Protection and Regulation Authority »), pourra ordonner à toute entreprise de médias sociaux de supprimer ou de bloquer des contenus jugés « contraires à l’idéologie du Pakistan », considérés comme « faux ou mensongers », ou comme insultant à l’égard de divers responsables publics. Cette Autorité pourra également exiger que toute entreprise de médias sociaux s’enregistre auprès d’elle, et imposer les conditions qu’elle juge « appropriées » pour un tel enregistrement.

Le Parlement a adopté l’amendement dans le contexte d’une répression croissante de la liberté d’expression numérique au Pakistan, caractérisée par les coupures fréquentes d’Internet ou de restrictions imposées parfois aux réseaux. Les autorités pakistanaises ont utilisé le blocage de l’accès à Internet comme tactique policière pour entraver la tenue de manifestations et empêcher toute critique du gouvernement, sous couvert de maintien de l’ordre public et de lutte contre la désinformation.

La Commission des droits humains du Pakistan (Human Rights Commission of Pakistan, HRCP), un organisme non gouvernemental, a exprimé son inquiétude, avertissant que la nouvelle loi « risque de devenir un autre moyen de cibler les [opposants] politiques, les défenseurs des droits humains, les journalistes et les dissidents en pénalisant de fait les critiques visant des institutions de l’État ». Le Syndicat fédéral des journalistes du Pakistan (Pakistan Federal Union of Journalists, PFUJa annoncé la tenue de manifestations à l’échelle nationale contre l’amendement, le qualifiant d’atteinte aux droits humains.

L’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Pakistan est un État partie, limite les restrictions au droit à la liberté d’expression. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, l’organe d’experts indépendants qui surveille le respect du PIDCP par les États, a indiqué que toute restriction doit être conforme à la loi, définie « avec précision », et répondre aux critères « de nécessité et de proportionnalité » en visant un ou plusieurs objectifs considérés comme « légitimes » en vertu du Pacte.

Dans le passé, la loi pakistanaise sur la prévention de la cybercriminalité (Prevention of Electronic Crimes Act, ou loi PECA) de 2016 a déjà été utilisée d’une manière ayant violé les droits humains. Des dizaines de journalistes ont été inculpés en vertu de ses dispositions. En avril 2019, Shahzeb Jillani, un éminent journaliste pakistanais, a été accusé de « cyberterrorisme » après avoir critiqué des institutions gouvernementales. En septembre 2020, trois autres journalistes – Asad Toor, Bilal Farooqi et Absar Alam – ont été accusés de sédition et d’infractions à la loi PECA, après avoir publié en ligne des articles qualifiés de « répréhensibles » et d’« insultants ».

« La nouvelle loi sur les crimes électroniques risque d’aggraver davantage encore les violations de la liberté d’expression et d’Internet au Pakistan », a conclu Patricia Gossman. « Cette surveillance policière en ligne ne protégera pas les citoyens contre des “fausses nouvelles”, mais donnera plutôt aux autorités une arme pour punir les personnes dont les points de vue leur déplaisent. »

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