(Johannesburg, 3 mars 2025) – L'Afrique du Sud et d'autres pays n’ayant pas encore approuvé une déclaration d’engagement politique visant à protéger les civils contre les bombardements et pilonnages de villes et villages en temps de guerre devraient le faire, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, suite à une réunion régionale sur cette question tenue à Johannesburg, les 27 et 28 février ; de nombreux autres pays ont déjà approuvé cette déclaration.
« L’Afrique du Sud a adopté une position de principe ferme en condamnant les effets dévastateurs causés par les conflits armés actuels, et en soutenant l’obligation de rendre des comptes pour les violations graves du droit de la guerre », a déclaré Ida Sawyer, directrice de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch. « L’Afrique du Sud devrait renforcer sa détermination à protéger les civils en approuvant la déclaration sur l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, et en encourageant les autres gouvernements de la région à suivre son exemple. »
Le bombardement et le pilonnage de zones peuplées constituent l’une des menaces les plus graves pour les civils dans les conflits armés contemporains. Reconnaissant les dommages causés aux civils et la nécessité urgente d’agir, l’Autriche, l’Irlande et d’autres pays ont lancé un processus politique en 2019. Ce processus a abouti à l’adoption d’une déclaration politique visant à réduire les conséquences humanitaires de cette méthode de guerre, et qui en novembre 2022 a été soumise aux pays en vue de leur approbation.
Un nouveau document « Questions et réponses », publié conjointement avant la réunion de Johannesburg par Human Rights Watch et par l’International Human Rights Clinic de la Faculté de droit de Harvard, examine la question des armes explosives et analyse les dispositions de la Déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées. Le document « Questions et réponses » détaille également comment les dommages peuvent être réduits grâce à la mise en œuvre de ces dispositions.
À ce jour, la Déclaration a été approuvé par 88 pays, dont les Comores, Madagascar et le Malawi (parmi les pays africains). Le Mozambique, l’Afrique du Sud et d’autres États africains ont participé à la négociation de la Déclaration, mais ne l’ont pas encore approuvée. Sans être juridiquement contraignante, la Déclaration engage les pays signataires à adopter et à mettre en œuvre des politiques et des pratiques nationales contribuant à éviter et à remédier aux dommages causés aux civils, notamment en limitant ou en s'abstenant d'utiliser des armes explosives dans les zones peuplées.
Human Rights Watch rend compte depuis longtemps des dommages prévisibles causés aux civils par les bombardements et les pilonnages de zones peuplées dans le monde entier, notamment en République démocratique du Congo, à Gaza, au Myanmar, au Soudan et en Ukraine. Les civils représentent la grande majorité des personnes tuées ou blessées lorsque des bombes aériennes, des roquettes, des projectiles d’artillerie, des obus de mortier et des missiles sont utilisés dans des zones peuplées. Les effets à large impact de certaines armes explosives – résultant d’un large rayon de souffle ou de fragmentation, d’imprécision et/ou du lancement de plusieurs munitions à la fois – considérablement les répercussions humanitaires.
L’utilisation d’armes explosives dans les villes et les villages a des conséquences indirectes à long terme, dits effets de « réverbération », sur les services de base, tels que les soins de santé, l’éducation, l’électricité, l’eau et l’assainissement, qui nuisent aux civils pendant des mois, voire des années. L’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées provoque également des blessures psychologiques, cause des dommages environnementaux, détruit le patrimoine culturel et déplace des communautés.
En 2011, Human Rights Watch a cofondé le Réseau international sur les armes explosives (International Network on Explosive Weapons, INEW), une coalition mondiale de la société civile qui a joué un rôle essentiel lors de la phase de négociation de la Déclaration. INEW exhorte tous les États à adhérer à la Déclaration, et à prendre des mesures pour la mettre en œuvre et l'interpréter.
La campagne #StopBombingCivilians (« Stop au bombardement de civils »), lancée par Human Rights Watch en septembre 2024 en collaboration avec INEW, vise à sensibiliser davantage à ce problème. Une pétition sur le site de cette campagne, adressée au président sud-africain Cyril Ramaphosa et appelant l’Afrique du Sud à approuver la Déclaration, a déjà recueilli plus de 22 000 signatures.
L’Afrique du Sud a joué un rôle de premier plan sur le continent africain et dans le monde en général pour la protection des civils dans les conflits armés. Par exemple, elle a contribué aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies et de l’Union africaine, notamment en République démocratique du Congo, dans le nord du Mozambique et ailleurs, et a porté une affaire devant la Cour internationale de justice contre Israël concernant les obligations d’Israël en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
« L’Afrique du Sud a depuis longtemps placé la protection des civils au cœur de sa politique étrangère », a conclu Allan Ngari, directeur du plaidoyer au sein de la division Afrique de Human Rights Watch. « Compte tenu de son rôle important dans la protection des civils dans le monde, l’Afrique du Sud peut contribuer à empêcher que le carnage et la destruction ne se reproduisent dans les conflits armés actuels et futurs en adhérant à la déclaration politique sur les armes explosives. »